Roger-Viollet, une agence photographique au statut particulier

22 avril 2025

Depuis près de neuf décennies, l’agence Roger-Viollet veille sur des archives photographiques aussi iconiques que précieuses, parmi lesquelles figurent la célèbre locomotive accidentée de la gare Montparnasse en 1895, le discours de Jean Jaurès à la veille de la Première Guerre mondiale, ou encore la crue spectaculaire de la Seine en 1910. Elle se distingue également par son statut unique : elle est l’une des rares agences à être la propriété de la Ville de Paris.

C’est une histoire familiale qui conduit, en 1938, à la création de l’agence Roger-Viollet. Henri Roger, qui associe son nom à celui de Jeanne Viollet lors de leur mariage, est chimiste de formation, mais surtout passionné de photographie. À la fin du XIXe siècle, il immortalise la construction de la tour Eiffel et l’Exposition universelle de 1889, tout en menant de nombreuses expériences photographiques qui constitueront un fonds remarquable. Il transmet sa passion à sa fille aînée, Hélène Roger-Viollet. Cette dernière fait de la photographie son métier, parcourt le monde, puis décide avec son mari Jean Fischer de racheter le fonds de commerce de Laurent Ollivier, spécialisé dans la reproduction d’oeuvres d’art. Ensemble, ils s’installent dans le quartier Latin, à Paris. Ce qui n’était qu’une simple boutique deviendra progressivement une véritable agence de presse.

 

 

 

 

 

Une agence visionnaire

Le contexte de la création de l’agence n’est pas anodin. À la fin des années 1930, la photographie connaît une profonde mutation. Le photojournalisme est en plein essor, des magazines comme VU ou Regards lui consacrent une place importante, et les agences se multiplient pour répondre à une demande croissante d’illustration. Parmi les concurrents notables figurent alors Rapho (fondée en 1933), qui accueillera des figures comme Robert Doisneau ou Willy Ronis, Keystone, d’origine suisse, ou encore Magnum Photos, créée en 1947 par Henri Cartier-Bresson et Robert Capa, qui défendra une approche résolument humaniste du reportage.
Un an seulement après son ouverture, l’agence Roger-Viollet est contrainte de fermer, mais elle fait partie des premières à rouvrir dès la Libération de Paris, en novembre 1944. Hélène et Jean poursuivent alors leur oeuvre, enrichissant leur fonds par l’achat de nombreuses collections : cartes postales Léon & Lévy, images de la Compagnie des arts photomécaniques, ou encore photographies de mode et de spectacle du fonds Boris Lipnitzki. L’agence adopte un modèle atypique : sans photographes salariés, elle produit peu d’images en dehors des reportages du couple fondateur, mais bâtit méthodiquement un fonds encyclopédique. Celui-ci réunit aussi bien des photographies de presse que des documents historiques, portraits d’écrivains, d’artistes ou de figures politiques, images ethnographiques ou anonymes de la vie quotidienne en France et ailleurs.

Un destin tragique et une renaissance

L’histoire de Roger-Viollet aurait pu s’achever tragiquement en 1985, lorsque Hélène Roger-Viollet est assassinée par son mari Jean Fischer, qui se suicide en prison trois mois plus tard. Mais l’agence, qui entretenait déjà des liens étroits avec la mairie de Paris, survit à ses fondateurs. Conformément à leurs volontés, la Ville de Paris hérite de l’ensemble des collections et poursuit leur diffusion. En 2012, les archives photographiques du journal France-Soir rejoignent ce patrimoine visuel unique.

Aujourd’hui, ces collections sont conservées à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Une vaste campagne de numérisation en a facilité l’accès en ligne, tandis que les archives continuent d’être mises en valeur dans la galerie Roger-Viollet du 6 rue de Seine à Paris, où elles sont également proposées à la vente, sur place ou via le site galerie-roger-viollet.fr.

À l’image des techniques et pratiques de la photographie, l’histoire du médium et sa sémiologie sont au coeur des enseignements de l’école EFET Photo. Celle-ci veille à transmettre à ses étudiants non seulement les compétences techniques nécessaires à la profession de photographe, mais aussi le socle culturel indispensable à la compréhension profonde de leur métier.

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